Arnaud Dufils Assistant en technique de production et expérimentation végétale à L’INRA d’Avignon dans l’UR Ecodéveloppement

Arnaud Dufils est assistant en technique de production et expérimentation végétale à L'INRA d'Avignon dans l'UR Ecodéveloppement. Il encadre Laura Cazaux (élève ingénieure ISARA en fin d'étude) qui vise à identifier et caractériser des innovations techniques et systémiques en vue de favoriser la durabilité des vergers de pommiers. En s'appuyant sur le réseau « Vergers + Durables » qui regroupent une vingtaine de producteurs, techniciens et chercheurs, mais aussi auprès d'agriculteurs et de porteurs de projets répartis sur tout le territoire national.), ils nous livrent leur vision de cette pratique.


La démarche

Arnaud et Laura se positionnent avant tout sur l'entrée « verger diversifié » avec l'identification de 2 systèmes, a priori distincts :

  • Les vergers – maraîchers : pour lesquels des bandes maraîchères sont intégrées dans l'inter-rang. Ce système s'intègre dans le système plus global de l'agroforesterie.
  • Les vergers mixtes animal : pâturés par des volailles, des moutons, des cochons et/ou des chevaux.

Toutefois, parmi le panel d'agriculteurs rencontrés, certains ont adopté un modèle hybride de ces 2 systèmes avec le pâturage des animaux centralisé sous le rang de fruitiers.

Ils ont rencontré différents cas de figures à savoir soit :

  • Des producteurs arboriculteurs qui avaient leur propre troupeau, entre 20 et 30 têtes en moyenne et max 50 têtes, ce nombre étant fonction de la surface à pâturer disponible sur les terres de l'exploitation. Il est intéressant de noter que les arboriculteurs ont cherché à introduire des animaux (moutons et/ou cochons) par rapport aux services rendus et que les producteurs de volaille, déjà impliqués dans l'élevage, ont peu à peu introduit des arbres dans leurs parcours pour complexifier et diversifier les services rendus par leur système de production.
  • Des arboriculteurs qui s'entendent avec des éleveurs, le plus souvent des moutons. Ce cas a été plus fréquemment rencontré dans la région du Sud-Est.

Si des arboriculteurs en AB emploient cette pratique, certains agriculteurs en conventionnel s'entendent avec des éleveurs  parce qu'ils ont la volonté d'aller vers des pratiques alternatives en terme de maîtrise de l'enherbement, et parce qu'ils en ont l'opportunité. En général, il s'agit de troupeaux d'environ 200 têtes qui passent dans les vergers et y pâturent que quelques semaines, pour y consommer aussi les pommes et les feuilles tombées au sol. Ils interviennent après la récolte mais avant la taille des pommiers, soit entre les mois d'octobre à janvier, pendant la période hivernale. Les arboriculteurs ne modifient pas forcément leurs pratiques (notamment en matière de protection phytosanitaire), en fonction de la présence d'animaux. Ce sont les éleveurs qui questionnent les arboriculteurs et définissent les périodes de pâturage pour le bien-être des animaux. Sur ces parcelles, les applications cupriques ont lieu en début saison (fin mars-début avril) à raison d'une à 2 applications. Le cuivre n'est plus utilisé par la suite pour réduire d'éventuels risques de phytotoxicité sur les arbres. Les herbicides sont employés sur le rang de ces vergers, mais la dernière application a lieu en juin, voire en été dans de rares cas.

Atouts et freins au développement de la pratique

A l'origine, la motivation première est rarement la diversification de gamme notamment en ce qui concerne l'élevage ovin mais plutôt, l'envie de tester de nouvelles pratiques afin d'éviter le recours au désherbage mécanique. Les agriculteurs ayant éprouvé cette pratique ont « la volonté de mettre en place un écosystème en équilibre ».

En ce qui concerne l'introduction des volailles sur les vergers, l'aspect valorisation soit des œufs soit de la viande est davantage formalisé, et la diversification d'ateliers en guise de diversification de sources de revenus davantage prégnante.

Les principaux avantages mentionnés sont :

  • la tonte de l'herbe (moutons, oies),
  • l'économie d'intrants (gasoil, herbicide, insecticide…) ,
  • la diversification des productions sur l'exploitation, diversification de gammes à condition de transformer et valoriser en vente directe,
  • les animaux contribuent à nettoyer le verger et à contenir certains ravageurs ou maladies (carpocapse/tavelure sur pommiers) en consommant les fruits et en accélérant la dégradation des feuilles tombées au sol (effet du piétinement par les ovins par exemple). Pour les troupeaux présents pendant la feuillaison, la partie inférieure peut être consommée jusqu'à 1m20, ce qui réduit le potentiel de production, mais cela induit aussi une diminution du risque tavelure lors des projections des ascospores à partir de la litière des feuilles au sol.

Un autre atout auquel Arnaud et Laura n'avaient pas pensé de prime abord concerne le plaisir de travailler avec les animaux et de les voir évoluer dans les vergers évoqué par bon nombre d'agriculteurs. « Certains affirment qu'ils ne reviendraient en arrière pour rien au monde ! ».

Au final, il n'y a pas vraiment de gain de temps constaté par les agriculteurs par rapport au temps passé au désherbage mécanique (tonte, gyrobroyage) parce que le temps économisé d'un côté est remplacé par le temps consacré à la gestion des parcs, des rotations et des animaux. L'élevage nécessitant d'être présent toute l'année sur l'exploitation.

Le manque de références est également évoqué et, améliorer ce point pourrait contribuer à convaincre davantage d'agriculteurs.

A l'échelle de la filière, la fermeture d'abattoirs et notamment de petits abattoirs,  contraindrait les agriculteurs à investir dans des salles d'abattage et de découpe dans le respect des bonnes pratiques sanitaires, ce qui n'est pas rentable à l'échelle de ces petites exploitations.

Concernant les ententes entre arboriculteurs et éleveurs, la recherche du partenariat n'étant pas coordonnée à l'échelle locale, les arboriculteurs ne savent pas à qui s'adresser pour connaître les éleveurs à proximité en recherche de terres à pâturer et vice-versa. Une coordination pourrait permettre de faciliter la mise en relation entre arboriculteurs et éleveurs.

Un intérêt grandissant pour cette pratique est évoqué avec certains agriculteurs qui expérimentent et se familiarisent d'abord avec une espèce et petit à petit réfléchissent à complexifier leur système en diversifiant les espèces introduites (volailles, moutons…).

En ce qui concerne les volailles, les poulaillers sont soit fixes, les poules rentrant chaque soir, soit mobiles ce qui permet de les positionner prioritairement sous les rangs de pommiers.

Concernant l'élevage ovin, le choix s'oriente vers des races rustiques valorisant bien des espaces fourragers peu productifs et ne nécessitant pas forcément d'abris bâtis.

Articulation Recherche / Développement / Agriculteurs

Actuellement il existe des « trous de connaissance » concernant la mise en place de cette pratique. Les échanges avec les agriculteurs, et l'écoute attentive de leurs demandes constituent pour les acteurs de la recherche et du développement les bases de ces connaissances et la définition de nouvelles problématiques à étudier. Les dispositifs de ce type, « bottom-up », ont le mérite de promouvoir une progression collective, « on apprend en marchant ! ».

Ce genre de dispositif est très intéressant car on a un fonctionnement en simultané, chacun ayant une part de connaissance partielle qui s'enrichit au fur et à mesure des rencontres et que la construction de la connaissance y est collective. Des progrès notamment en terme de gestion du troupeau et de la compréhension de certaines dérives dans le comportement de l'animal, restent à étudier.

En lien avec Didier Jammes de Bio de Provence, Arnaud et Elisabeth Lécrivain (éthologue à l'UR Ecodéveloppement) vont approfondir la compréhension de cette question du « verger mixte animal ». Ils vont se focaliser sur l'identification de points techniques clés pour une bonne gestion réciproque de l'élevage et des vergers, que le travail de capitalisation des connaissances de Laura aura contribuer à alimenter et orienter.

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