Implantation d'Infrastructures Agro-Écologiques multi-espèces

LA DÉMARCHE

Depuis son installation, Alex Franc a implanté des IAE à proximité de ses vergers. Ces IAE constituent un des moyens de réguler les ravageurs dans ces parcelles mais aussi de favoriser les insectes pollinisateurs.

La mise en place des infrastructures se fait à deux échelles aux abords des parcelles et à l'intérieur de la parcelle, voir la figure 1.

Figure 1: Plan du nouveau verger

LES SAVOIRS AGROÉCOLOGIQUES

Implantation de haies multi-strates et multi-espèces

Les essences mises en place pour leur rôle de réservoir d'auxiliaires sont :

  • le sureau (taillis)
  • le buis (taillis bas)
  • le lierre (grimpant)
  • l'arbre de Judée (taillis bas)
  • le charme-houblon (haut jet)
  • le laurier-tin (taillis bas)
  • le fusain (taillis bas)
  • le figuier (qui a mal pris)
  • et le cornouiller sanguin. Cet arbuste est maintenant proscrit par Alex car il n'est pas adapté : « il colonise trop » (système racinaire envahissant, taillis bas).

Ces arbustes ont leurs propres pucerons et attirent donc des parasitoïdes/prédateurs, qui pourront aussi se nourrir du puceron cendré sur les pommiers à proximité. Les résultats de la lutte contre le puceron cendré sont significatifs sur le verger de Chanteclerc depuis la mise en place de ces haies réservoirs à auxiliaire à proximité des parcelles de production.

Les essences (noisetier, arbre de Judée, viornes, prunier sauvages, aulne glutineux dans la ripisylve) ont été implantées pour leur caractère mellifère et aussi afin d'avoir une floraison étalée : le noisetier fleurit en début de saison, puis ce sont les pruniers sauvages précoces, puis le viorne ...

Haies fruitières

Alex a la volonté de mettre des fruitiers, prunes et coings, dans les haies. Cela permettrait de les vendre en jus avec la pomme. Ils serviraient ainsi « pour le bois d'arbre, pour le bois raméal fragmenté (BRF) et pour une moindre production fruitière ». De plus, les pruniers ont une floraison qui se fait tôt, ce qui est intéressant pour les pollinisateurs. Les cognassiers sont déjà partiellement présents dans les haies en coin de parcelles. En effet, auparavant ils permettaient de les délimiter.

Implantation de bandes fleuries

« J'ai envie que les pommes soient bien pollinisées : cela a un effet sur la qualité, les pommes sont plus sucrées et se conservent mieux. »

Des bandes fleuries encadrent les vergers et sont aussi implantées au centre du nouveau verger. Cette implantation n'a pu être concrétisée qu'avec la mise en place d'un nouveau verger. C'est le mélange[1] qui est implanté, il permet notamment d'attirer les auxiliaires des pucerons (tels que les syrphes en leur fournissant pollen et nectar). L'essai de semis en 2013 a été un échec du fait d'un semis trop tardif, cette année le semis a eu lieu fin août après un déchaumage et un passage d'herse plate. La mise en place de ces bandes fleuries est difficile, il faut souvent ressemer et/ou arroser. Ce mélange a un coût assez élevé : 800 € pour ¼ d'hectare pour une durée de vie de 4 à 5 ans.

La pollinisation est assurée par les abeilles, les cétoines et les syrphes présents sur l'exploitation du fait de l'aménagement des IAE et des pratiques agricoles limitant l'impact sur ces populations. Les bandes fleuries et les haies permettent une alimentation des abeilles d'avril à juillet. Ensuite, jusqu'à septembre, « ce sont les cultures (tournesol, soja et sarrasin) qui tiennent l'alimentation ». Il a été observé 100 fois plus de syrphes là où il y a des bandes fleuries. Les syrphes sont utiles car pour certaines espèces, leurs larves mangent les pucerons. C'est donc un moyen efficace de lutte biologique. Dans les mélanges actuels, seule l'achillée millefeuille tient le mieux, avec son rhizome, elle est pérenne et attire beaucoup les syrphes.

La présence de ripisylve permet un apport supplémentaire de biodiversité. C'est pour cela que la bande fleurie a été implantée sur le bloc gauche de la parcelle du nouveau verger (2018). L'objectif étant d'équilibrer la répartition spatiale des IAE.


1 - 24 espèces de fleurs dont 11 vivaces et 3 bisanuelles, dont : Anethum graveolens, Agrostemma githago, Echium plantagineum et Anthemis tinctoria

Zoom sur les Méthodes de lutte complémentaires à la lutte biologique par conservation et gestion des habitats

Biocontrôle
  • Macro-organismes auxiliaires (nématodes)
  • Micro-organismes (virus de la granulose)
  • Médiateurs chimiques (confusion sexuelle)
  • Substance naturelle (argile, mélange huile de colza soufre)
  • Taille en vert
  • Filet mono-rang (Alt Carpo)

Figure 2 : Schéma des méthodes de luttes complémentaires mises en place sur le verger

L'observation et le comptage des ravageurs sont essentiels pour agir au bon moment. Alex Franc y consacre "3 heures par semaine de mars à juillet".

Pour lutter contre le carpocapse des pommes et poires (Cydia pomonella) différents moyens sont mis en œuvre :

  • Pièges à phéromones posés afin de suivre le pic de vol du carpocapse ;
  • Confusion sexuelle :  il est important de la réaliser sur de grandes surfaces afin qu'il n'y ait pas de zone sans phéromone, « la confusion fonctionne bien sur la première génération, après à partir de août les diffuseurs sont souvent vides ». Ce phénomène s'explique par l'accélération de la diffusion des phéromones avec l'augmentation des températures au mois de juillet. En août, le stock de phéromone est alors épuisé.
  • Virus de la granulose, « la date de traitement est cruciale pour l'efficacité : piégeage et suivi du réseau régional pour traiter au pic des vols » ;
  • Traitements par nématodes contre le carpocapse ;
  • Mise en place de filets : Il met en place le filet sur le rang et le resserre sous les tuyaux d'irrigation. Les filets sont relevés en octobre pour les travaux d'hiver (greffes, tailles) et redescendus en mai après la floraison ce qui représente environ 15h de travail /ha. La maille doit être fine: 7*3 ou 5*5 mm. Le filet est très efficace contre le carpocapse car 100% des pommes sont protégées. La durée de vie du filet est réduite (15 ans) car les branches le trouent. « l'entretien : c'est un peu de couture pour reprendre les trous ». Le cout des filets est de 6 000 € par hectare auquel il faut rajouter 6 000 à 7 000€ pour la structure de soutien, les poteaux (section de 12 cm) doivent être installés tous les 6 m car les filets sont lourds et ont une forte prise au vent. La taille a été adaptée afin d'avoir des arbres hauts et peu larges, c'est pourquoi la conduite Solen a été abandonné pour une conduite centrifuge sur l'axe. Les filets sont sur une partie seulement des vergers. Il y a une partie sans filets, qui correspond à 2ha. Sur cette parcelle, la confusion sexuelle est mise en place. Cela permet d'éliminer entre 50 et 80% des insectes quand cela fonctionne. Les filets permettent de diminuer les traitements en évitant l'utilisation de carpovirusine et de confusion sexuelle mais ils réduisent les auxiliaires. C'est pourquoi les bandes fleuries « compensent » cette différence.

 

Filets de protection
  • Installation de bandes de carton ondulé qui entourent les troncs, les larves diapausantes se réfugient dedans, les cartons sont ramassés et brûlés. Par manque de temps, Alex ne le réalise qu'une seule fois par an. « Si on voulait bien faire, il faudrait le faire 2 à 3 fois par an pour les 2 à 3 générations successives ».
  • Ramassage de toutes les pommes dans une démarche de prophylaxie.
    « L'avantage que j'ai par rapport au carpocapse c'est que je ne laisse aucune pomme par terre contrairement au verger industriel, grâce à mon atelier de transformation en jus »
  • Concernant les pucerons, des comptages de fondatrices sont effectués à partir du mois d'avril (seuil d'intervention : 1 arbre avec 5 fondatrices). Il met en place de la lutte à différentes périodes de l'année :
    • Pulvérisation d'argiles (à l'automne), systématiquement après la récolte, sur les feuilles afin d'éviter les pontes et d'empêcher les femelles de se nourrir. « L'argile est plus efficace sur les variétés précoces car l'application peut intervenir plus tôt ».
    • Pulvérisation d'un mélange d'huile de colza et de soufre (en mars) sur les troncs des arbres et les charpentières dès que la température dépasse 12°C (février / mars). Le but est de ralentir/stopper la montée des fondatrices.
    • Taille en vert à la main en juin pour enlever les jeunes rameaux infectés.
  • Toute l'année : Application d'un principe de biodynamie. Il existe un équilibre entre les parties aériennes et souterraines des plantes. Il s'illustre par la production et le stockage de sucre. « On observe ainsi que s'il y a un tassement du sol trop important et donc une asphyxie racinaire, il en résulte un mauvais stockage du sucre dans le système racinaire. Ce qui attire les pucerons sur les parties aériennes.  Une des solutions pour respecter cet équilibre et lutter contre les pucerons est l'utilisation de portes-greffes poussant, ceux-ci ayant un système racinaire profond et résistant. »

L'utilisation de soufre pose problème à Alex Franc qui souhaite progressivement s'en émanciper .

  • Le soufre est phytotoxique pour les arbres et surtout les pollinisateurs comme les abeilles. Les poiriers y sont sensibles (entre 4 et 7 kg sont utilisés sur les vergers).
  • En 2017, du petit lait a été utilisé à la place du soufre à 5 L/ha. Il est récupéré gratuitement à la crèmerie Biochamps. Le petit lait aurait des propriétés antifongiques.

INTÉRÊTS DU POINT DE VUE DE L'AGRICULTEUR

Economiques

Agronomiques

Environnementaux

  • Production de BRF
  • Pollinisation des pommes
  • Biodiversité
  • Fréquence traitements
1 commentaire Ajouter un commentaire
françois warlop le 11/12/2015 à 17:44

merci pour ce partage !

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Alex FRANC

La ferme de Vernou
Vernou
09700 Saint-Quirc
Site : www.ferme-vernou.fr
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