L'objet de ce manuel n'est pas de présenter les techniques de l'agroécologie mais plutôt de fournir les clefs pour comprendre de manière simple les processus biologiques et sociaux impliqués, les limites avérées du modèle industriel et les principes d'un système alimentaire soutenable.

Cet ouvrage ne vise ni la neutralité, ni le consensus.

Matthieu Calame nous propose une agroécologie forte qui englobe les dimensions sociales, alimentaires et de politique publique. Il s'agit de réformer globalement le système alimentaire pour le rendre plus durable. C'est une condition nécessaire à la réussite du changement des pratiques agronomiques. Ce nouveau paradigme prône une recherche participative, un consommateur responsable, un financement mutualiste et une responsabilité des collectivités locales. Il considère que le monde est fini et qu'il faut radicalement modifier nos modes de vie pour alléger l'empreinte écologique de l'homme. L'homme doit devenir jardinier de la planète plutôt que d'être un guerrier conquérant.

Ce nouveau paradigme agroécologique est en route au travers d'installations en agriculture plus collaboratives et plus écologiques, des initiatives de production alimentaire en milieu urbain et péri-urbain, des engagements des collectivités locales ou de collectifs citoyens (Métropoles rennaise et Grenobloise, le Triangle Vert dans l'Essonne, Mouans-Sartoux, le PNR du Pilat ou du Lubéron…). Ils sont nombreux ces élus, ces citoyens, ces agriculteurs qui tentent d'agir à proximité, avec les ressources matérielles et sociales du territoire, en avançant pas à pas, au quotidien.

L'objectif de réversibilité s'éloigne de plus en plus de notre portée avec une consommation toujours accrue des ressources accélérant le changement climatique et les pollutions. Les limites ont déjà été atteintes dans les océans. Il faut maintenant entrer en résilience et se préparer à absorber les chocs.

La crise agricole brutale que connaissent de nombreux agriculteurs aujourd'hui en est un exemple.

Ce livre arrive à point nommé pour donner une nouvelle perspective, un nouvel élan, pour voir ce nouveau paradigme agricole et alimentaire qui se dessine, toujours plus fort et plus vivant. La vision doit être systémique. Il n'y a plus de modèle agricole ou alimentaire unique. Ce qui n'était que niches est en train d'être légitimé. L'agroécologie devient un nouveau contrat social fondé sur le principe de solidarité entre toutes les formes de vie et entre tous les acteurs sociaux.

Quoi qu'il en soit, la transition ne sera pas facile. L'agriculture agroécologique et paysanne fait face à une agriculture industrielle toujours plus concentrée. Le service statistiques du ministère de l'agriculture vient de publier ses données chiffrées (Agreste – Graphagri 2015). 4 400 fermes (soit 1 % des fermes) concentrent 80 % de la production porcine, 2 466 fermes concentrent 67 % de la production de poulets de chair et 376 fermes concentrent 73 % de la production d'œufs très majoritairement produits en cage. Quant aux producteurs laitiers ils étaient 385 000 en 1983 et n'étaient plus que 67 000 en 2013. Combien en restera t-il fin 2016 ?

Source : Comprendre l'agroécologie. Matthieu Calame. Éditions Charles Léopold Mayer. www.eclm.fr

Source : Agreste. Graphagri 2015. Ministère de l'Agriculture.