Laurent Bodineau Arboriculteur sur la commune de Sauviat dans le Puy-de-Dôme

Laurent Bodineau est arboriculteur sur la commune de Sauviat dans le Puy-de-Dôme. Depuis l'achat de sa ferme et la demande en conversion à l'agriculture biologique en 2008, Laurent cherche à optimiser le fonctionnement de son exploitation en misant sur la diversification des ateliers, ateliers choisis pour leur efficience en terme de rentabilité par rapport au temps consacré. Ayant mis en place un atelier de poules pondeuses sur 4 ha de vergers de pommes, il nous livre son retour d'expérience sur cette pratique.


La démarche

Didier issu d'une famille d'éleveurs bovins dans le Lot, a toujours gardé ce lien et cette fibre avec l'élevage. Par ailleurs, il a suivi une formation au CNEARC à Montpellier avec option en Agroécologie et ainsi pu développer une vision systémique de l'exploitation agricole qu'il continue d'appliquer dans sa démarche de conseiller.

C'est une rencontre, il y a dix ans, avec Pierre Clerc[1], un agriculteur qui travaillait avec un berger qui le conduit pour la première fois à s'intéresser à cette pratique.

Cette pratique reste peu employée dans la région et aucune donnée statistique ne permet de les recenser. Didier sert de relais entre des agriculteurs ayant l'expérience sur ce type de pratiques « innovantes » s'appuyant sur des savoirs ancestraux et des agriculteurs en recherche d'alternatives.

Atouts et freins au développement de la pratique

Les principaux avantages mentionnés sont :

  • la tonte de l'herbe (oies, cochons, moutons et ânes),
  • l'économie de temps, d'intrants (gasoil, herbicide, insecticide…) et de GES (avec les monogastrisques, avec les ruminants c'est moins évident),
  • la réduction des campagnols par prédation (avec l'introduction des cochons, et particulièrement les femelles en gestation et les jeunes qui ont de forts besoins en protéines) et par l'effet de piétinement,
  • la mixité sur une parcelle avec des incidences encore à découvrir et des pratiques à adapter,
  • la diversification des productions sur l'exploitation, diversification de gammes à condition de transformer et valoriser en vente directe,
  • les animaux contribuent à nettoyer le verger et à contenir certains ravageurs ou maladies (carpocapse/tavelure sur pommiers) en consommant les fruits et en broyant les feuilles tombés au sol. Cependant, pour aller vers une réduction de pression des bioagresseurs cela passera par la combinaison de cette pratique avec la recherche de variétés et porte-greffe tolérants aux bioagresseurs principaux dans le contexte de vergers conduits en AB.

Didier a observé que du fait du pâturage il pouvait y avoir une évolution de la flore et de la diversité floristique présente dans le couvert, mais sans pouvoir dire si cette évolution est positive ou négative.

Le choix de la mise en place de cette pratique nécessite d'avoir une fibre d'éleveur, et se réalise souvent par l'affinité propre à chaque agriculteur à une (ou plusieurs) espèce(s) animale(s) privilégiée(s).

Cette pratique nécessite d'aimer l'élevage et les animaux et d'accepter d'y consacrer du temps, notamment de présence.

Le manque de références constitue un frein pour convaincre davantage d'agriculteurs.

Les aspects réglementaires à prendre en compte (déclaration, prophylaxie, conditions sanitaires liées aux transports, à l'abattage, à la découpe et à la vente…) peuvent être limitant notamment par rapport aux frais supplémentaires qui incombent à l'agriculteur. En effet, les frais liés à l'identification et à la prophylaxie seraient supportables pour ce type d'agriculteur, en revanche dès lors qu'ils sont assez éloignés d'un abattoir, les frais peuvent vite s'avérer très élevés. Dès lors, la proposition d'abattoir/découpe mobile pourrait s'envisager pour palier à ce frein[2]. Il est important de faire évoluer la réglementation notamment en matière de petits élevages.

Par ailleurs, lorsque les agriculteurs développant cette pratique s'oriente vers une valorisation économique de la production animale, une difficulté réside dans l'équilibre à trouver entre la production animale (qui peut rapporter davantage) et la production végétale pour ne pas basculer vers la spécialisation.

La confrontation à certains écueils (consommation de poules par renard) peut conduire des agriculteurs motivés à cesser cette pratique.

A l'heure actuelle, il s'agit plutôt de démarche individuelle et de cas isolés, bien qu'il constate qu'il y a un public intéressé et intrigué par la mise en place de cette pratique. Cependant, le manque de recul empêche encore un déploiement plus important.

Pour attirer les financeurs, bien que convaincus de la pertinence agro-environnementale et sociale de cette pratique, il est important de recenser les agriculteurs l'ayant mis en place à l'échelle d'un territoire donné.

Accompagnement des agriculteurs

Il s'agit d'accompagner dans un premier temps, les démarches individuelles auprès des agriculteurs désireux de mettre en place la pratique ou l'ayant déjà éprouvé pour accumuler des références techniques.

Les rencontres « bouts de champ » permettent de réunir plusieurs agriculteurs intéressés autour d'un exploitant ayant éprouvé la pratique. On peut également croiser les compétences en y conviant en plus différents interlocuteurs (conseiller agricole arboriculture fruitière, élevage…). Au fur et à mesure des échanges, une question technique en appelle une autre : sur quelle surface envisager cette pratique, quel chargement d'animaux, quel type d'animaux introduire, si on introduit des volailles (poules ou oies), comment gérer le renard ? Le débriefing individuel quelque temps après ces rencontres permet de laisser « mûrir » la réflexion chez les agriculteurs motivés.

Articulation Recherche / Développement / Agriculteurs

Didier travaille depuis 2014 entre autre sur cette action phare avec pour objectif de réduire la pression phytosanitaire dans les vergers bio et donc les consommations d'intrants. Ce qui permet au final d'avoir un effet positif en terme d'atténuation du changement climatique par la réduction des consommations d'énergies directes et indirectes. Dans le cadre du projet de valorisation des bonnes pratiques, initié par la Région PACA et l'ADEME, Didier a conduit des diagnostics et simulations sur 5 exploitations en arboriculture[3], notamment pour favoriser les pratiques économes en énergie sur les exploitations agricoles. Au travers de ce projet, l'idée est de capitaliser des informations à partir de cas d'étude et d'avoir quelques références chiffrées pour « mesurer » l'intérêt de l'introduction des animaux dans les vergers. Par ailleurs, dans le cadre de l'Inter-réseaux Régional Agriculture Energie Environnement, l'organisation de réunions d'échanges croisant les compétences a permis à Didier d'initier des liens avec l'INRA d'Avignon (UR Ecodéveloppement). Ces liens devraient permettre de travailler ensemble sur le projet « Réduction du nombre de traitements en arboriculture par l'introduction d'animaux dans les vergers », en attente de réponse des financeurs. L'INRA souhaite aborder la question du « verger mixte animal » au travers d'une approche zootechnique et éthologique afin d'identifier les points techniques clés indispensables pour une bonne gestion réciproque de l'élevage et des vergers. Un des livrables sera constitué d'un livret de référence à diffuser, avec des témoignages d'agriculteurs et des résultats de suivi.

Selon vous, quel dispositif pourrait être mobilisé par les agriculteurs pour les formations, ou pour adhérer à ce genre de pratiques ? Aides financières mobilisables ?

Ce n'est pas du tout l'actualité du moment, car cette pratique n'en est encore qu'au balbutiement de sa mise en place. Bien qu'un intérêt agro-environnemental soit pressenti, le fait qu'il n'y ait aucune donnée chiffrée ne permet pas de chiffrer quoi que ce soit étant donné qu'on est davantage dans le changement et dans la reconception de systèmes.


[1] Cet arboriculteur a mis cette pratique en place dans le principal but de réduire sa consommation en traitements phytosanitaires et ainsi favoriser les auxiliaires des cultures, ce qui était alors une exception régionale. Le berger ayant arrêté son activité, Pierre Clerc lui a donc racheté 20 brebis pour faire perdurer cette pratique mise en place dans ses vignes.
[2] http://www.agriculturepaysanne.org/files/Bulletin-relocalisation-numy-ro-9-2014-01-SD.pdf (p.3) et Astruc T, Terlouw C, Haye E, Berne A & Heyer A, 2005. Intérêt d'une unité mobile pour abattre sur site de production : bien­être des animaux et qualité technologique des viandes.
[3] Via le site jediagnostiquemaferme (http://www.jediagnostiquemaferme.com/) avec un exemple de ferme exemplaire, celle de Yann Symzak : http://www.jediagnostiquemaferme.com/portfolio/domaine-de-la-berlotte/
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