Les cultures associées sont beaucoup plus efficaces à bas niveaux d’intrants (notamment en bio) que les cultures pures.

Les agricultures sur tous les continents pratiquent depuis longtemps les cultures associées (la culture d'au moins deux espèces dans une même parcelle) et c'est aussi une caractéristique dans la nature (diversité floristique d'une prairie naturelle par exemple). En France on peut citer la pratique du « méteil » qui associe plusieurs espèces de céréales, voire des légumineuses, le pré-verger qui associe des arbres fruitiers de haute tige et une prairie pâturée ou la culture du maïs associée au haricot ou à la courge. Les travaux présentés ici viennent éclairer les processus mis en œuvre dans ces associations de plantes qui sont un des principes clés de l'agroécologie et contribuent, à leurs niveaux, très certainement à la résilience et la durabilité des fermes.

 

L'efficacité des associations est fortement liée au processus de complémentarité de niche. Ce principe correspond à l'exploitation de ressources différentes entre les espèces comme l'azote minéral versus l'azote atmosphérique dans les mélanges avec des légumineuses, ou entre les différents pools de phosphore ou vis-à-vis de l'accès à l'eau quand certaines espèces peuvent extraire celle qui est très fortement retenue dans les micropores du sol. Cette complémentarité de niche peut aussi être liée à des enracinements différenciés quand certaines espèces exploitent les horizons superficiels alors que d'autres valorisent les horizons profonds. Il en va de même pour l'utilisation de l'énergie lumineuse en raison de la stratification verticale des couverts complexes (cas du blé dur/pois d'hiver par exemple ou plus extrême des systèmes agroforestiers). Enfin, ce principe s'applique aussi aux associations dont les besoins des espèces qui la composent sont asynchrones par exemple pour l'eau ou la lumière entre une espèce précoce et une tardive.

 

A ce principe s'ajoute celui de facilitation qui correspond au cas de figure où une espèce augmente la croissance ou la survie de l'espèce qui lui est associée. Les mécanismes de facilitation concernent l'accroissement de la disponibilité pour les ressources telles que la lumière, l'eau ou les nutriments. Un des exemples étant donné par les réseaux mycéliens des champignons symbiotiques mycorhiziens qui profitent à la plante mychorizée mais aussi à la plante associée. Ainsi, dans une association graminée-trèfle, environ 50 % de l'azote des graminées vient du trèfle. Ce transfert limité est complété par l'azote provenant de la minéralisation des exsudats et des racines de la légumineuse qui contiennent de l'azote provenant initialement de la fixation symbiotique.

 

L'accès au phosphore est un autre exemple. Parmi les mécanismes identifiés, la production d'exsudats racinaires ou de métabolites microbiens, permettent de mobiliser une fraction du phosphore inorganique. Il a ainsi été observé une modification du pH de la rhizosphère qui permettrait d'augmenter la disponibilité du phosphore inorganique via la désorption du phosphate adsorbé (cas de l'association blé dur/pois chiche).

 

Un des systèmes les plus étudiés est celui de l'association entre une ou des légumineuses et une ou des céréales. Dans ce type d'association, les légumineuses fixent une proportion plus grande d'azote atmosphérique qu'elles ne le font quand elles sont cultivées seules. Ce phénomène s'explique par le fait que la céréale épuise rapidement l'azote minéral disponible dans l'horizon superficiel en raison d'une croissance plus rapide que celle de la légumineuse. Ainsi, cette dernière est forcée de recourir à la fixation symbiotique (73 % versus 61 % de ses apports azotés). Dès lors la céréale associée dispose quasiment de la même quantité d'azote minérale que lorsqu'elle est cultivée seule. Par contre, en raison de la présence de la légumineuse, son rendement en association est inférieur à celui mesuré en culture pure. Ces deux mécanismes conjoints font que la quantité d'azote disponible par kilo de grain produit est de l'ordre de 50 % supérieur pour la céréale associée par rapport à la céréale cultivée seule ce qui contribue à une augmentation de la teneur en protéine (11,1 % versus 9,8 %). A noter que cette amélioration ne s'observe que quand la disponibilité en azote minéral est faible dans le sol.

 

L'ensemble des processus décrits expliquent, comme le montre une synthèse de 58 expérimentations conduites sur 10 ans dans différents pédoclimats européens, que la production des cultures associées est en moyenne 1,27 fois supérieure à celle des cultures pures. Ces processus montre également que les rendements sont aussi plus stables et que ces associations permettent aussi une réduction des adventices notamment comparativement à des légumineuses pures. Une des raisons étant aussi que la céréale sert de tuteur à la légumineuse ce qui limite les risques de verse et une diffusion parfois plus lente des maladies et des ravageurs.

 

Aujourd'hui, le principal frein à ces cultures associées concerne le tri des grains quand le mélange n'est pas utilisé tel quel pour l'alimentation animale. L'élaboration de trieurs spécifiques et l'abaissement des coûts sont aujourd'hui un enjeu majeur pour le développement de cette pratique et des recherches doivent aussi être poursuivies pour identifier les meilleures associations en termes d'espèces et de variétés adaptées ainsi que les densités du semis optimales.

 

Source :