Santé animale intégrée

« Pour des raisons tant écologiques, économiques que philosophiques, je vais pour la troisième fois réduire le troupeau et augmenter l'humain. » 

LA DÉMARCHE

A chacune de ses installations, Laurent Reversat reconstruit le système sur lequel il travaille. Sur la ferme qu'il a repris depuis 2013, il diminue l'effectif du troupeau en privilégiant l'humain et l'autonomie pour son cheptel. Adhérent de l'AVEM, il met en oeuvre une approche globale et préventive en matière de santé animale.

LES SAVOIRS AGROÉCOLOGIQUES

L'alimentation : le premier levier d'action pour la santé animale
  • Un système basé sur l'herbe

L'alimentation est basée sur la ressource en herbe de l'exploitation.

« L'alimentation évolue chaque jour en fonction des besoins de chaque lot. » En bergerie, la quantité de foin est ajustée en fonction de la quantité et de la qualité d'herbe qu'elles ont pâturée. La ration annuelle par brebis : 800 kg d'herbe (pâturage et foin), 160 kg de céréales et 40 kg de complément.
On observe que selon les années, le temps de pâturage varie significativement. 

 

ZOOM SUR LE PATURAGE TOURNANT


Le pâturage tournant est pratiqué sur les prairies temporaires avec un temps de retour sur une même parcelle de 4 à 5 semaines. Le pâturage tournant permet de mieux valoriser l'herbe et donc d'éviter le gaspillage. En effet, en limitant les surfaces disponibles, les animaux « sélectionnent » moins leur nourriture.

Illustration du pâturage tournant avec fil avant et parfois fil arrière

S'il pleut, un fil arrière est installé afin de permettre une seconde pousse de l'herbe qui servira à un deuxième passage des animaux ou qui sera fauché.

Ce système est basé sur la pousse spontanée de l'herbe, ainsi, le temps de présence par paddock est variable, autant que pousse de l'herbe. Dès lors que l'herbe s'amenuise, les repas en extérieur et en intérieur (foin) sont alternés. L'avantage des mélanges prairiaux est que la luzerne a une grande souplesse d'exploitation car même à floraison, elle reste comestible.
« Même au début de la floraison, la luzerne permet de produire du lait. Il faut juste accepter d'avoir du refus. »

Il a été envisagé d'élever les agnelles en parcours en extérieur dès 3 mois mais cette année ça ne s'est pas fait. De plus, l'arrivée du loup et les attaques croissantes invitent les associés à repenser leur système. En effet, les animaux passent désormais toutes leurs nuits à l'intérieur.

 

  • Adapter la période de pâturage

Laurent Reversat adapte le pâturage en fonction des besoins du troupeau et des périodes de l'année.
Les brebis pâturent les prairies temporaires pendant la lactation (soit 200 jours). Hors période de lactation les brebis sont sur les prairies naturelles et les parcours.
Durant l'été, elles pâturent mieux aux heures fraîches et sortent la nuit ou en soirée. Lors de l'allaitement, les agneaux sont à l'intérieur tandis que les brebis sont sorties

 

  • Penser la santé animale autrement : pas de systématique mais des pratiques préventives

Les agneaux ont un apport de sélénium si besoin, mais pas de piqûre systématique à la naissance. « Lorsqu'un un agneau dans un lot a une crise de raide, je vérifie la carence en sélénium et je traite le lot ». 
Les vers parasites sont le premier problème de santé des brebis sur la ferme, des mesures préventives permettent de gérer ce problème :
​- Ne pas déplacer les brebis sur la prairie à herbe trop rase car les brebis risquent de ramasser les vers.
- Ne pas sortir les brebis quand il y a trop de rosée car elles risquent d'ingérer des escargots porteurs de parasites.
- Immunité anti ténia acquise la première année.
- Ne pas donner trop d'avoine dans l'alimentation, car les graines agressent le tube digestif et favorisent les parasites en créant des sites d'accroche.

 

  • Afin d'éviter les mammites et les problèmes sanitaires sur le lait, Laurent Reversat a choisi d'investir dans une électrovanne et un programmateur de lavage avec réchauffeur. L'électrovanne permet de passer du vide de lavage au vide de traite automatiquement afin d'éviter les oublis (qui pourrait causer des mammites).
"La qualité du lait est un marqueur d'hygiène, de santé animale et le premier facteur de revenu."

Des huiles essentielles sont appliquées de façon préventive et curative pendant l'allaitement et la traite.

 

Les chiffres de l'élevage en 2016-2017

 

  • 400 naissances sur 320 brebis luttées
  • Prolificité : 1,3
  • 360 agneaux sevrés sur 400 naissances, soit un taux de mortalité des agneaux de 10%.
  • 72 000 litres de lait soit 225 litres de lait par brebis mise à la lutte (320) et 300 litres par brebis traite (240 en moyenne)
  • Matière Sèche Utile : 122
  • Frais vétérinaires de 1200 € : 800 € adhésion AVEM et 400 € de produits vétérinaires.
  • Taux de réforme de 25%. La réforme est effectuée très tôt dans l'année, dès le début de production laitière. « Je ne réforme jamais parce que la brebis est vieille mais sur des critères de quantité et de qualité du lait ».

En 2017, on note une bonne productivité mais une mortalité des agneaux importante. Deux responsables : la pneumonie, due aux écarts de température entre le jour et la nuit dans la bergerie. Ce problème sera résolu prochainement grâce à l'isolation de la bergerie. La coccidiose, qui a surpris les éleveurs qui n'ont pas réagi assez vite mais qui seront plus vigilants les prochaines années. De plus, c'est la première année où les animaux doivent être vermifugés en chimie à cause des oestres chez les brebis et ténias chez les agnelles. Concernant le lait la production de fin de campagne a été fortement amoindrie par la sécheresse.

 

ZOOM SUR LES MÉLANGES DE CÉRÉALES

 

Suite à des essais en 2014, Laurent Reversat s'est rendu compte que les rendements des mélanges de céréales étaient supérieurs aux rendements des cultures simples. Les mélanges ont donc été introduits dans la rotation : seigle/avoine ainsi que seigle/orge/ Les céréales sont donc semées à 200kg/ha, une densité importante qui s'explique par la présence de cailloux sur les terres cultivées.

 Les mélanges de céréales sont déprimés (pré-pâturage afin d'optimiser la pousse) puis moissonnés.

Auparavant, le flushing (enrichir la ration alimentaire des brebis en vue d'augmenter le taux d'ovulation et donc le taux d'agnelage) se faisait avec le seigle et l'orge, aujourd'hui il se fait avec le mélange seigle/avoine. En effet, l'avoine est un très bon stimulant.

Mais le mélange seigle/avoine a d'autres intérêts :

  • Ce sont deux plantes agressives qui nettoient le sol. Elles ont des effets allélopathiques sur les adventices
  • Le seigle est la céréale qui produit le plus de biomasse, ainsi le pâturage est conséquent.

INTÉRÊTS DU POINT DE VUE DE L'AGRICULTEUR

Economiques

Agronomiques

Environnementaux

  • Intrants (produits vétérinaires, achats de concentrés)
  • Productivité par brebis
  • Potentiel global de l'élevage
  • Base de sélection du troupeau
  • Qualité de la ration (mélanges prairiaux riches en légumineuses)
  • Mortalité
  • Meilleur état du troupeau
  • Intrants vétérinaires (antibiotiques)
  • Social : Echanges et mutualisation de savoirs avec vétérinaires et adhérents de l'AVEM

Laurent et Romain Réversat, Frédéric Libot : Reconception d'un agroécosystème

DURÉE : 5'57

Fusionner 2 fermes pour travailler sur un système plus cohérent et plus autonome, c'est le choix qu'ont récemment fait ces associés. Ils nous expliquent les piliers de leur futur système : privilégier la ressource en herbe pour l'alimentation des brebis laitières, implanter des prairies multi-espèces riches en légumineuses, utiliser des semences fourragères paysannes, développer une approche alternative de la santé animale et travailler en collectif.
 

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