Projet Bag'ages : visite chez Christian ABADIE

Retour sur la visite de terrain du 17 janvier 2018 chez Christian Abadie, agriculteur partenaire du projet BAG'AGES et engagé depuis plus de 10 ans dans l'agriculture de conservation.

Christian Abadie, installé dans le Gers, a basculé dans l'agriculture de conservation depuis plus de 10 ans en arrêtant le labour et en généralisant des couverts végétaux associés au semis direct. Un seul mot d'ordre : restaurer la matière organique, améliorer la fertilité chimique, physique et biologique des sols et stocker du carbone.

Christian Abadie est installé sur des sols de boulbènes hydromorphes.

Les principales cultures sont le maïs grain et ensilage (50% de la sole), le soja et le blé. La rotation dominante est blé-soja-maïs (ou maïs-soja et maïs-blé). L'arrêt du labour s'est fait en 2000.

Les intercultures longues implantées avant le soja sont un mélange de féverole, avoine et seigle. L'utilisation des herbicides est une roue de secours et n'est pas systématique. Il est apporté un peu d'azote au semis sur les couverts. Les couverts d'été sont à base de tournesol géant, sorgho, soja, radis chinois, sarrasin, maïs (et tout ce qui reste comme graine).  Il faut parfois un peu d'eau et d'azote. Comme je suis éleveur c'est le moment où j'épands le lisier. Derrière ces couverts d'été, il est installé un second couvert en automne (couvert en « relai »).

Concernant la succession blé sur soja il faut désherber, la succession blé sur maïs est plus propre et ne nécessite pas toujours de désherbage.

Derrière un maïs le couvert d'automne est à base de féverole (200kg), avoine (30kg) et phacélie (1,6 kg). Derrière un soja il est composé de seigle, d'avoine et de féverole. Le couvert avant soja est à dominante de graminées.

Pour couvrir le sol, le soja a été semé dans le couvert après roulage. Le soja reçoit 1,5 litres de glyphosate + antigraminée. Christian Abadie avait laissé un témoin qui montre qu'il serait possible de se passer du glyphosate. Le paillage du sol contribue au contrôle les adventices.

Il y a aussi un effet allélopathique par ordre décroissant : seigle (forestier et fourrager), avoine noire, triticale. Ces plantes retardent la levée des adventices.  Il y a aussi un effet avec le sarrasin. D'autres plantes sont testées comme couvert : artémisia, chia, cajanus cajan (ou pois d'Angole => légumineuse tropicale vivace).

Christian Abadie estime qu'il a réduit son irrigation de 25 à 30 mm (1 tour d'eau par rapport à son voisin). Le maïs reçoit 3 tours d'eau et le soja 2. Les couverts produisent ~ 10 T MS. Dès qu'il pleut la fraicheur se conserve sous le mulch. La biomasse se fait surtout en mars et avril.

Le couvert d'été est fertilisé et irrigué. Le radis chinois est très intéressant car il pousse très vite et monte peu à « graines ». En 60 jours il fait des racines de 80 cm. Le tournesol géant est bien adapté et fait beaucoup de biomasse.

Toutes ces plantes sont gélives sauf le radis.  Plus on a de biomasse et plus c'est facile à rouler.  Les couverts ne sont pas traités avec des désherbants. 

La fertilisation est chimique et organique. Le soja ne laisse pas tant d'azote que cela (beaucoup d'azote est exporté dans les graines ou alors les rhyzobium ne sont pas assez développés.

Concernant la fertilisation  P et K cela fait 29 ans qu'il n'y a plus d'apport.

Le maïs recevait 200 kg d'azote puis 180 aujourd'hui avec un objectif de descendre à 160kg pour un rendement de 140 quintaux/ha aux normes aujourd'hui (100 qx avant). Il ne faut pas chercher à économiser l'azote trop tôt. Le blé reçoit 160 à 180 kg pour un rendement en 2017 de 60-70 qx/ha.

On peut penser qu'il y a une augmentation du carbone dans le sol mais elle reste difficile à quantifier.  Je suis passé de 100qx à 140 qx pour le maïs.

Le semis du maïs se fait à 40cm au lieu de 80 cm mais avec la même densité. Toutes les pratiques mises en œuvre (réduction du travail du sol, couverts végétaux, changement d'itinéraires techniques) ont amené un gain de 10 qx/ha sur le maïs grain.

Les racines des couverts remplacent le travail du sol. En s-direct, il faut mettre de l'azote assez tôt car la minéralisation est a priori décalée et diminuée (moins d'oxygénation du sol, réchauffement plus long).

Le maïs est toujours enrobé avec un insecticide contre le taupin. Mais il sera bientôt interdit. Aucun fongicide n'est apporté.

 

À retenir

  • Travail simplifié du sol  (suppression du labour), quelques déchaumages superficiels
  • Une rotation assez courte : 3 à 4 ans
  • Couverts végétaux pour les périodes d'interculture longue
  • Couverts implantés tôt (juillet), mélange    +        sur semis d'un 2ème couvert à base de féverole qui servira de couverts « agronomiques » avant la culture de maïs (structuration du sol, fournir de l'azote, couvrir le sol pour limiter les adventices)

 

questions à la recherche

  • Comment évoluent les taux de matière organique dans les différents horizons du sol et quels sont les effets sur le cycle de l'azote et le cycle de l'eau ?
  • L'implantation de couverts à base de légumineuses permet-il de réduire à terme la fertilisation azotée ? Quelle contribution des couverts à la réduction du risque de lixiviation ?
  • Faut-il fertiliser légèrement voir irriguer les couverts d'été pour assurer leur développement et ainsi une production de biomasse ?
  • L'augmentation du taux de matière organique dans le sol et l'implantation de couverts permet-il de réduire l'évaporation et un meilleur stockage de l'eau (réserve utile) et donc ainsi de réduire les besoins en eau des cultures d'été (ou une moindre consommation d'eau par quintal produit).
  • Une bonne gestion des couverts et du mulch des pailles peut-il à terme permettre de se passer d'herbicide ?
  • Quelle est la quantité de biomasse moyenne produite pars ces couverts d'été et d'hiver ?
  • Ces pratiques « agroécologiques » (réduction du travail du sol, couverts végétaux, …) permettent-ils une réduction des intrants phytosanitaires ?  (Fongicide, insecticide, anti-limaces, herbicides).

 

Le programme BAG'AGES

Le programme BAG'AGES « Bassin Adour Garonne : quelles performances des pratiques AGroécologiquES ? » piloté par l'INRA de Toulouse a été initié par l'Agence de l'Eau Adour Garonne. Il s'agit donc d'un programme très ambitieux qui va mobiliser 23 partenaires, laboratoires de recherche mais aussi acteurs du développement agricole comme les chambres d'agriculture ou Arvalis.  Son ambition est de mesurer la contribution et l'efficacité de 4 pratiques agroécologiques (allongement des rotations, non labour, couverts végétaux et agroforesterie) aux enjeux eau du bassin Adour-Garonne (réduction de la pollution diffuse liée aux nitrates et aux pesticides et rétention d'eau dans les sols).

Il s'agit de mesurer les effets de ces pratiques combinées ou non comme : « effet de barrage » des plantes (moindre ruissellement), « effet guide » permettant une meilleure pénétration de l'eau dans le sol, effet « éponge » permettant une meilleure rétention de l'eau, effet structurant du sol.

Ce travail de rechercher se donne pour objectif d'objectiver le questionnement sur l'impact réel de ces pratiques en terme agronomique et environnemental mais aussi économique. Quelle est l'influence du contexte pédoclimatique sur l'efficacité de ces pratiques?

Le travail sera mené en parallèle à 3 échelles: une échelle parcellaire avec mise en place d'instruments de mesure, une échelle exploitation et une échelle basin versant (modélisation). 60 exploitations spécialisées en grandes cultures seront ainsi suivies et analysées durant 3 années. La combinaison des 3 approches ainsi que la durée du programme devraient permettre de déboucher sur des recommandations concernant la mise en place de telles pratiques.