Estepas de la Mancha - projet Life

La grande outarde (Photo Global Nature)

Estepas de la Mancha est le nom d'un projet Life dont l'objectif est de tester des pratiques agroécologiques conciliables avec la protection des oiseaux steppiques et mettre en place des circuits de commercialisation valorisant les productions agricoles de ce territoire.

Solagro a participé le 28 février et le 1er mars 2017 à un séminaire organisé à Villacanas dans la Castille – La Mancha par Global Nature sur le développement d'une agriculture durable dans une grande zone steppique (200.000 ha) classée en Natura 2000 pour les oiseaux comme la grande outarde, le ganga cata, l'outarde canepetière ou l'alouette calandre.

Le ganga cata (photo Global Nature)

 

La Castilla-la Mancha est une région où la capacité de résilience prend tout son sens. Comment survivre à la crise économique qu'a traversée l'Espagne ? Comment faire face aux variations climatiques avec seulement 150 mm de pluie en 2016 ?

La crise économique a engendré un taux de chômage important dans cette région. Celui-ci avait atteint 30% de la population. Plusieurs personnes sans emploi ont choisi de revenir à l'agriculture, notamment en reprenant les petites propriétés familiales.

Sur ces hauts plateaux, la pluviométrie est peu élevée et l'essentiel des cultures sont en sec avec des rendements faibles (25 qx/ha pour l'orge et le blé en moyenne). Mais les risques d'érosion sont très élevés. Cette région correspond au système traditionnel des régions sèches méditerranéennes avec le triptyque : céréales/olive et amandier/vigne qui a façonné le régime méditerranéen reconnu pour ses effets bénéfiques sur la santé.

Cependant on observe actuellement un fort développement de l'irrigation de la vigne, des oliviers et des amandiers mais aussi du pistachier introduit depuis quelques années. Un des principaux problèmes rencontré reste la régulation du lapin.

Les précédents projets ont permis de développer une coopérative de production d'amandes en bio rassemblant 55 producteurs et 200 ha de plantation et la commercialisation de lentilles bio avec un packaging mettant en valeur la grande outarde (30 tonnes commercialisées en 2016). Celui-ci permet de payer les producteurs 30% de plus que le prix moyen.

Ce nouveau programme a pour objectif de renforcer des pratiques agroécologiques adaptées au contexte pédoclimatique et compatibles avec le maintien de ces oiseaux steppiques.

 

Parmi les pistes de travail, l'allongement de la rotation avec l'introduction des légumineuses traditionnelles comme la lentille et le pois chiche et des plantes oléagineuses comme le tournesol ou la cameline. Les autres pratiques concernent l'arrêt de labour, l'utilisation de couverts, les cultures associées (lentille/cameline), le désherbage mécanique permettant de renforcer aussi le développement de l'agriculture biologique.

Les expérimentations menées sur la ferme expérimentale régionale n'ont montré aucune différence de rendement sur l'orge en 27 ans entre la pratique du labour, un travail superficiel et l'arrêt du labour.

La rotation traditionnelle était de 2 à 4 ans (orge/jachère, orge/lentille, vesce ou pois chiche/jachère, orge/vesce/blé/pois chiche). Celle-ci pourrait passer à 7 ans : orge/vesce ou féverole/avoine/tournesol ou cameline/jachère/blé/lentille ou pois chiche.

Il est prévu aussi de tester la réintroduction de plusieurs espèces de légumineuses comme le pois carré, la vesce (utilisée dans l'alimentation animale), le haricot sec

Dans la zone Natura 2000 une aide de 208 €/ha. Les principales contraintes sont de moissonner après le 30 juin, de ne pas emballer la paille avant le 15 août, de ne pas travailler le sol avant le 15 octobre, de ne pas travailler la nuit, de consacrer au moins 10% de l'assolement à des légumineuses et 50% de la sole en légumineuses ou en jachère, de mettre en place des bandes enherbées de 5 m sur 5% de la SAU et de ne pas utiliser des semences traitées.

Un partenariat a été mis en place avec un des plus grands centres mondiaux de conservation des ressources génétiques, le CRF (Centro de Recoursos Fitogeneticas), propriétaire d'une importante collection de légumineuses à graines.

Solagro contribuera à ce projet en transférant l'utilisation de l'outil Dialecte et du module messicole qui permet de suivre la richesse en plantes messicoles des cultures qui est très importante pour la conservation des oiseaux steppiques. 50 fermes seront analysées et feront l'objet d'un plan d'action. 

Cette région steppique de la Castille - la Mancha est peut-être un vrai laboratoire grandeur nature pour étudier l'adaptation au changement climatique et préparer ce qui nous attend dans le sud de la France d'ici 30 ans. Le projet « Estepas de La Mancha » ouvre la voie pour concilier une agriculture de qualité, la préservation des sols et d'espèces patrimoniales d'intérêt européen. Cette agriculture méditerranéenne et le patrimoine naturel et paysager qu'elle a façonné, sont la principale richesse de cette région capable encore aujourd'hui et - on peut l'espérer - demain de faire vivre ses habitants..

PS : A quand la réintroduction de la grande outarde en France dans les zones de grandes cultures ?