Florian Celette Isara Lyon

Enseignant-chercheur à l'Isara de Lyon, Florian Celette a travaillé pendant 8 ans sur la thématique de l'enherbement de la vigne. Ses axes de recherches actuels concernent les associations entre cultures et plantes de services, notamment en agriculture biologique. Il est également responsable du parcours de spécialisation « viticulture et vin » à l'Isara. « Je me suis tout particulièrement intéressé dans mes travaux à la concurrence hydro-azotée générée par le couvert à l'encontre de la vigne. Alors que c'est la concurrence hydrique qui est généralement mise en avant, j'ai pu mettre en évidence le rôle fondamental de l'azote. La concurrence du couvert vis à vis de l'azote est à la fois directe, le couvert absorbe l'azote du sol qui n'est plus disponible pour la vigne, et indirecte : le couvert assèche le sol et l'azote n'est alors plus accessible pour la vigne. Ces constats ont notamment permis d'affiner les préconisations liées aux apports d'azote ainsi qu'aux choix des espèces en fonction des objectifs du viticulteur. »


" Mes travaux ont principalement concerné l'enherbement inter-rang semé. Il y a une dizaine d'années, l'objectif premier de ces pratiques était de réduire l'érosion et le ruissellement et, dans certains vignobles trop vigoureux, de réduire la vigueur de la vigne pour améliorer la qualité de la production. Ce dernier objectif a peut-être moins d'importance depuis quelques années et d'autres prennent le pas comme l'entretien de la fertilité du sol et la réduction du lessivage des produits phytosanitaires. Il faut parvenir à gérer la concurrence entre la vigne et le couvert, en adaptant les modes de conduite à la situation de la vigne et au niveau de production souhaité. "

Des atouts ou des limites selon l'intensité de la concurrence du couvert sur la vigne

L'un des points majeurs à prendre en compte lorsqu'un couvert est présent dans l'inter-rang, c'est la concurrence hydro-azotée qu'exerce ce couvert sur la vigne. La concurrence vis à vis de l'azote, qui est un point de vigilance souvent sous-estimé, peut intervenir de façon directe, à travers les prélèvements réalisés par le couvert dans le sol, et également de façon indirecte par l'assèchement du sol qui empêchera la bonne assimilation de l'azote par la vigne.

 

Pour limiter la concurrence, un rang sur deux a été travaillé - C. Milou/Solagro
Choisir des espèces adaptées aux objectifs

Lorsqu'une diminution notable de la vigueur de la vigne est recherchée, les espèces agressives et concurrentielles sont privilégiées. Les screening que nous avons réalisés mettaient notamment en évidence l'intérêt des fétuques élevées et des fétuques rouges, souvent mélangées à d'autres graminées comme le ray-grass anglais. Ce genre de couvert a le mérite d'être résistant aux conditions climatiques défavorables, au passage des roues… et donc d'être plus pérenne.

Pour des niveaux moindres de concurrence, notamment en conditions sèches, nous avons relevé l'intérêt d'espèces qui entrent en dormance durant l'été : il s'agit de plantes fourragères adaptées aux zones semi-arides, comme le dactyle méditerranéen (nous avons testé la variété Kasbah), ou des fétuques ovines méditerranéennes.

Implanter un enherbement qui perdure représente en effet un levier pour mieux contrôler le ruissellement et l'apparition d'espèces végétales spontanées qui pourraient être indésirables.

En ce sens, la logique de l'utilisation de plantes de services va vers l'utilisation de mélanges : ils sont une garantie supplémentaire d'obtenir les effets recherchés par le couvert malgré la fluctuation des conditions de l'année (plus de résilience grâce au mélange). La principale difficulté liée à l'utilisation de ces mélanges est qu'on ne peut pas prévoir quelles espèces du mélange résisteront le mieux selon les conditions. Toutefois, on augmentera les chances d'avoir un couvert en place.

Privilégier la fertilisation foliaire pour limiter la concurrence

C'est à partir de la floraison ou juste un peu avant que les besoins en azote de la vigne sont les plus élevés : au débourrement, elle mobilise les réserves azotées présentes dans le bois, puis le système racinaire va progressivement fonctionner pour puiser l'azote dans le sol et atteindre un maximum d'activité à partir de la floraison. Or c'est à cette période que la concurrence du couvert peut se révéler la plus forte.

Une fertilisation foliaire, bien que plus coûteuse, peut alors se montrer idéale en curatif, en cas de stress azoté, car elle offre une action rapide, elle ne profite qu'à la vigne, et elle permet de s'affranchir en partie des problèmes d'assimilation en conditions sèches, au contraire des apports au sol. Ces derniers restent néanmoins intéressants pour entretenir la fertilité de sols pauvres en matière organique avec une fumure de fond.

Autres points de vigilance 

Jeunes vignes : attendre avant d'implanter un couvert

Il est souvent conseillé d'attendre 3 à 4 ans avant d'implanter un couvert dans une jeune vigne, particulièrement en sol superficiel. Le couvert contraint en effet la vigne à chercher ses ressources plus profondément, mais ce phénomène peut être limité si le sol est trop peu profond ce qui peut conduire à la mort de la vigne. Elle peut sinon concentrer son système racinaire sous le rang, ce qui limite le volume de sol prospecté.

L'avantage en sol plus profond est que la vigne, implantée plus en profondeur, parviendra à mieux résister à des épisodes secs. Toutefois, l'essentiel de la fertilité du sol se concentre dans les horizons de surface, et si les racines descendent, les éléments nutritifs leurs seront moins accessibles.

Enfin, c'est durant ses premières années de croissance qu'une vigne constitue une partie de ses réserves dans le bois, réserves qui pourront jouer le rôle de « tampon » pour résister ensuite à des phases de stress ou de concurrence.

Des couloirs qui concentrent le ruissellement

Implanter un couvert uniquement dans l'inter-rang peut créer des couloirs préférentiels pour le ruissellement au niveau du rang et ainsi limiter l'intérêt de l'enherbement pour contrôler ce phénomène. Une solution est de buter les rangs pour que les écoulements d'eau empruntent en priorité l'inter-rang.

Limites d'adhérence en fortes pentes

Dans les fortes pentes, la présence d'un couvert peut limiter l'adhérence des outils en conditions humides. Toutefois, le couvert améliore généralement la portance, et le travail en conditions humides reste défavorable pour la structure du sol.

Pallier les risques de gel dans les bas-fonds

La présence d'un couvert crée un microclimat un peu plus humide qui peut générer un risque accru de gel de la vigne. En zone à risque, il est alors conseillé de maintenir le couvert ras pendant les périodes à risque pour l'éloigner des bourgeons de la vigne.

Perspectives apportées par la recherche

L'UMR SYSTEM « Fonctionnement et conduite des systèmes de culture tropicaux et méditerranéens » située à Montpellier, poursuit les travaux de recherches sur le sujet de la concurrence hydro azotée de l'enherbement de la vigne afin d'en affiner les fonctionnements. Plus généralement, cette équipe conduit des travaux dans l'optique d'une « intensification écologique » des systèmes viticoles.

Site internet de l'unité : http://umr-system.cirad.fr/

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